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18# La Citroën BX 4TC : une héroïne contrariée, devenue mythe malgré elle.

Il existe des voitures nées pour triompher… et d’autres qui deviennent des légendes parce qu’elles ont échoué. Voici l’histoire enivrante de la Citroën BX 4TC : une héroïne contrariée, née à contre-temps, devenue mythe malgré elle.

Milieu des années 1980. Le Groupe B déchaîne les passions, l’automobile vit dans la démesure, et Peugeot empile les trophées avec la 205 Turbo 16. Chaque victoire fait exploser les ventes : le sport est une vitrine, un aimant. Citroën regarde, jalouse, puis se lance. La paisible BX, berline cinq portes du quotidien, est arrachée à sa routine pour devenir une bête de rallye. On bouscule le calendrier, on ferme les yeux sur le budget, on force l’architecture : il faut une arme, maintenant.

Sauf qu’un destin se joue parfois à des détails qui s’additionnent. Trop de contraintes, trop peu de temps. Le dessin devient heurté, les solutions techniques bricolées sous la pression. Sur les spéciales, la 4TC manque de souffle et de fiabilité, dans la presse, elle manque de grâce. La promesse s’envole… Reste le moteur, un 4 cylindres 2,2 L réputé solide, issu de la robuste 505 Turbo, assisté d’un turbo Garrett T3. Le sifflement du T3 emplit l’air, la poussée arrive : 200 ch pour les versions routières, 380 ch tous de même pour les rares versions groupe B, dites « Évolution ». Sur le papier, ça chante. Sur le terrain, la musique se brise.

L’homologation impose 200 exemplaires « série 200 » et 20 « Évolution » pour la course. Les showrooms se vident pourtant peu : les autos sont invendables, on brade, on soupire. Sur 200, seules 85 trouvent preneur. Alors Citroën tranche, brutal, presque pudique, comme au temps du projet M35 : on détruit les stocks, on rachète ce qu’on peut, on efface les traces. Des 20 « Évolution », 16 disparaissent, quatre subsistent. Et, selon les recensements, sur les 85 « civiles » livrées, il n’en resterait qu’une quarantaine aujourd’hui.

Voilà le paradoxe délicieux : une voiture qui n’a rien gagné, moquée en Groupe B, reniée par les siens, devenue trésor de collectionneur. Parce que la rareté magnifie, parce que l’échec raconte mieux que la victoire. La BX 4TC, c’est la beauté d’une tentative, le panache d’un “presque”. Elle a raté son rendez-vous avec la gloire… pour mieux l’atteindre des années plus tard. Preuve qu’en automobile, comme en légende, le mythe naît souvent du vacarme d’un turbo et du parfum entêtant d’un rêve inachevé.

Calvin Fatin.